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Mémoires d'un artilleur
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13 septembre 2010

Mésentente.

Lundi 21 février 1944. C'est vendredi que nous avons pris une décision énergique à l'encontre de Bassignana. Depuis 15 jours ou 3 semaines, nous nous sommes décidés à tenir la chambrée propre. Pour cela, nous avons fait une tirelire (que je détiens d'ailleurs) et dans laquelle tout type doit verser 10 Pf. (0.38€) soit pour une gamelle qui traîne sur la table, soit pour les vêtements qui ne doivent pas être pendus au châlit pendant toute la journée. Ce n'est toléré que quand on est couché. Tout le monde s'était sans difficultés soumis à cette petite discipline, toute normale d'ailleurs. Bassignana rentre de permission. Sous le prétexte que lui voulait que l'on fasse cela dès le début, il n'a pas voulu se soumettre à la règle commune et pend toutes ses affaires à son lit. Naturellement on lui en a fait la réflexion à plusieurs reprises, en voulant le faire payer l'amende comme les autres, ce qu'il a refusé de faire. La véritable raison est que Poch étant parti en perm et n'étant pas rentré, comme c'était lui le chef de chambrée, Bassignana aurait voulu lui succéder automatiquement. Mais comme d'une part Joubert était sous-chef de chambrée, remplaçant Poch le cas échéant déjà avant le départ en perm, et que d'autre part on ne pouvait guère sentir Bassignana avant, Joubert a automatiquement pris le titre de chef de chambrée et c'est lui qui fait maintenir l'ordre et la propreté de la chambrée. Comme Bassignana ne voulait pas se soumettre à la règle commune, pour l'y forcer, on a décidé de le mettre en quarantaine. Malheureusement ce n'est pas toute la chambrée à la fois, ce qui enlève beaucoup de son efficacité à cette mesure, mais cependant ça lui fait quelque chose. Il ronge son frein toute la journée. Mais ce qui est agréable, c'est que, par exemple, je peux vous écrire cette lettre sans être troublé par lui. Il est bien assis en face de moi, faisant sortir du bruit de la mandoline qu'il se fait prêter, mais il n'a pas dit un mot aux types de la chambrée; c'est tout juste s'il a répondu par quelques mots aux types de la piaule d'à côté qui sont venus lui causer.

Ce matin, paraît-il, à 8h (j'étais déjà parti), il se réveille, appelle "le chef de chambrée" (dont il avait dit l'avant-veille "si vous croyez que je vais me laisser commander par un œuf mal rasé comme ça, moi qui ai commandé avec mes 33 ans à des types avec des moustaches comme ça !"), il appelle donc le chef de chambrée, qui ne lui a d'ailleurs pas répondu un mot, et lui dit : "Désormais, vous ne ferez plus de cuisine le dimanche soir, ou je vous flanquerai tout en l'air : il faisait 33° hier dans la chambre (ce que je veux bien croire car Bonfils ne voulait pas qu'on ouvre la porte, il avait froid); quant à la luge, mettez-y le nom du propriétaire car s'il arrive une histoire, je ne veux pas trinquer pour tous les autres". Tout ceci, nous le tenons pour lettre morte, on le laisse complètement tomber, on ne peut plus le sentir, Joubert, moi, Antoniucci, Bistarelli, Giorgini, Bon, et aussi un peu Bonfils. Voilà pour l'affaire Bassignana. Comme de bien entendu, ça ne lui fait pas du tout plaisir et il écume, je crois, tout seul dans son coin, sans vouloir le laisser paraître.

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