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Mémoires d'un artilleur
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15 novembre 2009

Jambe cassée !

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Journal de Grand'mère. Dimanche 3 septembre. Journée bien néfaste pour nous ! Mon pauvre Paul vient de se casser la jambe : en descendant de chez moi après souper pour rentrer chez lui, il a glissé dans l'escalier et il est tombé si malheureusement que le tibia a été fracturé. C'est désolant ! Entendant du bruit, je suis descendue en vitesse, je trouve mon fils assis dans l'escalier et me disant :"je crois que je viens de me casser la jambe". En effet son pied est ballant et il souffre. Affolée, je vais demander du secours chez la concierge qui a le fiancé de sa nièce, heureusement : c'est un grand gaillard, il vient prendre mon Paul dans ses bras pour le transporter sur le lit. J'étais atterrée ! Et de voir mon fils souffrir me bouleversait. Vite j'envoie chez Marcel qui n'y est pas, il est à Levens pour plusieurs jours; chez le Dr Camus, il n'y a personne. Le jeune garçon a eu l'idée de passer à l'hôpital et revient avec une ambulance. Le transport avec cette jambe cassée est douloureux, pauvre cher Paul ! Il est bien courageux devant la douleur mais il est bien navré quand il pense aux conséquences de cet accident ! Lui qui espérait partir à Chargnat au premier convoi qui serait rétabli !

A l'Hôpital Saint Roch qui est plein de blessés, on ne peut pas nous recevoir et on nous envoie à Pasteur. Nous avons bien hésité à y aller mais que faire ? Un Dimanche où tous les docteurs sont absents ! Si j'avais su qu'il n'y avait rien à faire dès ce soir, je l'aurais bien gardé à la maison jusqu'au matin ! Mais je pensais qu'il fallait des soins immédiats. Dans ces moments-là on est tellement inquiet qu'on cherche le secours le plus rapide. Cette voiture d'ambulance de l'hôpital est un vrai chariot. Toutes les secousses s'y ressentent, surtout que la route est défoncée pour aller à Pasteur. Paul a donc dû souffrir. Le trajet me paraît interminable. Là-bas, on attend, on parlemente, en entendant les rires et les bruits de voix des internes qui s'amusent alors que l'hôpital est plein de blessés, maquisards et autres victimes des derniers combats. Impossible d'avoir une chambre personnelle, on donne un lit dans une chambre de 3 et on trimballe ce pauvre Paul de la civière à ce lit. Puis il faut le déshabiller, le coucher, tout cela est une occasion de souffrances nouvelles et après la visite de l'infirmier et de la sœur qui sont blasés au point de lui dire "oh ! ce n'est qu'une jambe cassée !, je dois me forcer pour rentrer avec l'ambulance. Il est 11h-1/4, l'infirmier doit faire une piqûre et il n'aura, mon pauvre Paul, de soins que demain matin !

Mardi 5. Nos complications n'étaient pas finies. D'abord pour Paul, cette nuit et la matinée ont été interminables et d'une grande tristesse, tout seul, loin de tous les siens. J'avais chargé de prévenir la Compagnie où on a été très attristé de cet accident, tout le monde s'est mis à ma disposition, M. Lhermitte surtout qui est parti de suite pour Pasteur. Là ils ont décidé avec Paul son transfert aussitôt que possible pour les Augustines, où M. Sallamitte lui a retenu une chambre. Recherche d'une ambulance l'après-midi pour ce transfert, et je retrouve mon fils bien secoué par toutes ces émotions mais bien, dans une jolie chambre où je l'installe. On attend le Dr Barraya, indiqué par Marcel; il arrive à 5 heures, voit la jambe, trouve la cassure mauvaise et dit qu'il est impossible de l'opérer ici où les sœurs n'ont pas l'installation de radio. Il faut partir au Belvédère. Nous étions atterrés tous les deux ! Il a fallu en passer par là ! Coup de téléphone, arrivée d'une autre ambulance, on nous donne au Belvédère la chambre 47, au 3e. Le docteur viendra à 8 heures 1/2 pour l'opération. Attente fébrile sur laquelle je n'insiste pas ! ! A 9 heures le chariot vient le chercher pour le mener à la salle d'opération. Je reste seule dans l'attente, en faisant des réflexions qui ne sont pas roses ! Une heure se passe, il n'est pas revenu, je commence à être angoissée. Enfin après une heure et demie, le voilà, mais dans un triste état ! Son souffle précipité, presque semblable à un râle, c'est affreux ! J'avais bien besoin de tout mon courage ! Il a divagué une partie de la nuit, se débattant sans me reconnaître. Ce n'est que vers le matin qu'une lueur d'intelligence a reparu dans ses yeux et qu'il m'a vaguement reconnue. Nous n'avons pas quitté son chevet une minute, l'infirmière et moi.

Mercredi 6. Le docteur est revenu dans la journée, il ne peut pas se prononcer avant quelques jours sur le temps du séjour à la clinique. Il faudra refaire avant une radio pour savoir si la soudure s'opère. La journée s'est assez bien passée mais la nuit a été mauvaise, nous n'avons fermé l'œil ni l'un ni l'autre. Paul tombait de sommeil mais dès qu'il s'endormait, c'était pour être pris de cauchemars et pousser des cris; rien ne le calmait et  le plâtre, en séchant, le comprimait et le faisait souffrir. Il me semblait que le jour ne viendrait jamais ! Il paraît que ces manifestations sont dues au choc opératoire et à l'anesthésie. Il a absorbé tellement d'éther ! !

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