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Mémoires d'un artilleur
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21 décembre 2010

Dernières nouvelles.

Samedi 23 septembre 1944. Je me prépare à partir pour Graz. Devèze m'a en effet proposé un Reiseschein en qualité de responsable pour l'Amicale, ou quelque chose d'équivalent, pour aller à la réunion des Hommes de Confiance à Graz, en présence de Bruneton, Commissaire général de la Main d'œuvre française en Allemagne. Devèze est parti au train de 4h 30 du matin; moi je pars au train de 17h 11 avec Kletzkine. En attendent le train, nous allons chez Haas où les deux musiciens italiens sont en train de jouer, piano et violon, un tas de belle musique. A la gare pour 5h, on prend les billets : le train a 60 minutes de retard. On retourne alors en ville écouter un peu de musique, boire une bière, et on remonte à la gare : 100 minutes de retard, puis 120 minutes… On est assis sur le banc en dessous du monument, à côté de deux jeunes filles avec qui on engage un peu la conversation. On dîne là, en attendant notre train qui ne veut pas venir. A 7h passe l'omnibus. Le nôtre ne tardera pas, nous dit-on. Effectivement, il est là à 7h 1/4. On trouve des places assises dans de confortables wagons de 1ère classe déclassés secondes, à trois par banquette très moelleuse. Dans ces conditions, voyage agréable, on dort un peu, Kletzkine et moi. On dépasse l'omnibus à Gaishorn. Mais ça ne va pas bien, notre train prend de plus en plus de retard : deux heures au départ, trois heures et quart à l'arrivée à Graz (11h 1/2 du soir). J'avais normalement l'intention d'aller coucher à Guggenbach mais évidemment, avec le retard de notre express, le train électrique était parti et j'ai filé avec Kletzkine à Graz. Là-bas, Devèze avait dû, dans la matinée, chercher un hôtel pour Kletzkine et lui, ou à défaut, trouver un local où coucher dans un camp. Il devait être à l'arrivée du train en gare. Avec le retard, il n'y était pas, bien entendu, et après avoir hésité sur ce que l'on devait faire, nous nous sommes dirigés à pied vers le camp de Don Bosco pour y passer la nuit. On y est entré sans faire de bruit pour ne pas éveiller le garde de la porte et je me suis dirigé vers la baraque où j'avais été la dernière fois. Il faisait beau et doux, à minuit. Heureusement, il y avait une lumière dans la piaule. On est entré, on a demandé si on pouvait coucher. Le type nous a dit de nous débrouiller, et qu'on aurait pu venir plus tôt; alors le lagerführer nous aurait donné des couvertures, comme à un type qui était là juste à côté, et qui dormait. "Mais c'est Devèze !" s'est écrié Kletzkine. Et effectivement, par le plus grand des hasards, nous nous sommes retrouvés là, tout les trois, pour dormir, il n'avait rien pu trouver dans les hôtels pendant la journée et il nous avait attendus pendant près de trois heures en ville, à la gare où l'on augmentait le retard du train toutes les demi-heures.

Dimanche 24 septembre. J'ai assez mal dormi, quoique le lit soit bon avec un sommier. Levés à 6h 1/2, car il y a pas mal à faire. Tout d'abord, je vais voir Poncet, qui n'a absolument rien à vendre et me dit que je trouverai peut-être pâtes ou légumes secs dans une autre baraque. Mais comme tout le monde y dort, il faudra que Kletzkine y retourne le soir, s'il peut. Pour le moment, nous partons tous les trois pour aller voir à Puntigam un copain de Todé, Laroche. Puntigam est situé au sud de Graz. C'est très loin du centre, et encore assez loin du bout du tram. A l'entrée du camp, un Werkshutz nous a demandé nos papiers, qu'il a gardés tout le temps de notre séjour là-bas. Nous avons trouvé Laroche, un brave type très sympathique qui a commencé par nous offrir à déjeuner (on avait l'estomac dans les talons). Ensuite on a réglé nos petites affaires. Il n'avait malheureusement pas grand' chose à nous donner. Au moment où on allait prendre son cadeau arrivent deux autres de ses copains, et il a été obligé de partager ce qu'il avait entre nous et eux. C'était donc maigre; enfin, qu'y faire ? Excessivement gentil avec nous? En repartant, nous sommes allés jusqu'à la gare, en principe pour trouver De Col, l'Homme de Confiance de Porr pour Rottenmann, qui devait arrivée à 9h. Comme c'était 10h quand nous fûmes à la gare, De Col était parti. Nous sommes redescendus jusqu'au foyer français où nous l'avons trouvé, ainsi que l'Hdc de Trichau. Après avoir bu un café, on a regardé l'exposition de dessins, qui, pour beaucoup, ne sont pas formidables. A 11h, je suis parti pour aller à la Messe et j'ai retrouvé les autres près du restaurant où nous devions déjeuner. Pour la première fois depuis que je suis en Allemagne, j'ai v que s'ils le veulent, ils peuvent faire du service rapide. Nous n'étions pas plutôt installés tous les cinq que la soupe nous était servie, le Stammgericht arrivait deux minutes après, alors qu'on était encore en train de préparer nos…

C'est fini, Maurice n'écrira plus et cette lettre n'atteindra ses parents que bien des mois plus tard, rapportée par un de ses camarades.

Arrêté le 25 septembre pour "activités politiques et catholiques", incarcéré à la prison de Leoben, Maurice est envoyé au camp de Flossenburg le 18 novembre, puis affecté au commando Haslach-Barbe le 7 décembre. Le 15 février 1945, avec d'autres détenus inaptes au travail, il est envoyé au camp de Vaihingen où il meurt le 29 mars.


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