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Mémoires d'un artilleur
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30 novembre 2010

Anniversaire.

Samedi 15 juillet 1944. C.P. (reçue le 3 août). Ma chère Maman, bien chers tous, voici un an aujourd'hui que je suis parti de Nice. Oh ! Je me rappelle bien cette journée du départ, l'attente à la gare jusqu'à 9h ½, ce jeudi matin-là, pour faire timbrer ses papiers, puis quelques heures à la maison et à midi, le départ, les yeux mouillés de larmes, la vieille patache de train qui laissait, à Toulon, le temps de descendre au port, pour essayer de voir toute notre belle flotte coulée en rade de Toulon, boire une bière au café de la gare, vu la chaleur étouffante, et repartir vers Marseille, les petites inscriptions sur les wagons, et la première nuit de voyage. Je revis tous ces moments en vous écrivant ces quelques lignes. Le temps a vite passé, quand même ! Un an que je suis là : Je suis plus âgé d'un an et depuis un an, je n'ai rien fait, j'ai donc perdu un an; mais il a pourtant passé vite. On est obligé d'être ici, il n'y a pas moyen de s'en aller, on s'habitue à cette situation de statu quo. N'y en a-t-il pas qui sont ici depuis bientôt deux ans ? Et les prisonniers, qui en sont à leur cinquième année ? Allons, je ne suis vraiment pas parmi les plus malheureux. Quand j'ai quitté Nice, je ne peux pas dire que j'étais content de partir mais j'avais malgré tout le sentiment que c'était mon devoir de Français que je faisais en allant, obligé, dans ce pays, comme la classe des travailleurs, déjà si éprouvée par les réquisitions massives. Je suis bien sûr que vous avez eu beaucoup plus de peine que moi à me voir partir pour cette raison-là. Oh ! Bien sûr, j'aimerais tout autant être avec vous, et même, que ne donnerais-je pas pour être avec vous ! Mais il n'y a absolument rien à faire. Si jamais une lueur d'espoir de permission brillait, croyez bien que je ferais tout pour la saisir, bien sûr, mais maintenant, je suis persuadé qu'il y en a pour jusqu'à la fin de la guerre. Je n'ai, depuis mon départ, pas tellement changé d'idées. Il y en a pour qui la haine des Allemands est devenue presque féroce, pourrait-on dire, à la suite du traitement qu'ils nous ont fait subir ou du traitement qu'ils font subir à d'autres, en comparant leur propagande à leurs actes, etc… Mais pour moi, je crois que je connais maintenant la mentalité de ces gens-là. Je les méprise en quelque sorte… Enfin, voilà une longue digression politique au sujet de l'anniversaire de mon départ en Allemagne. Je crois bien qu'il n'y en aura plus pour bien longtemps. Les Russes en mettent un bon vieux coup, puisqu'ils sont aux frontières de la Prusse Orientale (ce qui n'est d'ailleurs pas plus gai pour ça !). Il paraît que l'on interdit, depuis lundi, tout déplacement, de quelque nature que ce soit, par le train, si le voyage n'a pas une utilité pratique pour la guerre.

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