Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoires d'un artilleur
Archives
Newsletter
19 janvier 2010

Libération de Nice-3

Mardi 22 août. On ne sait pas encore de détails précis sur le bombardement d'hier rue Sainte Claire; on parle de 6 tués et de 15 blessés. Il y aurait eu aussi des bombes sur le Mont Alban. On a appris hier soir l'entrée à Toulon, l'avance sur Fontainebleau, Angoulême, la libération de Toulouse, Cerbère, une action navale vers Bayonne. Ça va ! Mais on est quand même impatient et on voudrait que ça aille plus vite encore. Malgré la défaite considérable subie en Normandie et la dislocation de cette 7e Armée, les Allemands n'abandonnent pas et continuent presque partout à se battre avec cran. D'ailleurs en Russie, ils tiennent et ont réussi des contre-attaques en Lettonie. Mais il semble bien qu'il est trop tard pour défendre Paris, qui va être contourné. Et cela aura une répercussion mondiale et un effet certain sur le moral allemand. Mais il n'est pas impossible qu'ils se reforment (pour un temps) à l'est de Paris, sur la ligne préparée (Compiègne, Aisne, Chemin des Dames) ou alors jusqu'aux Ardennes et à la ligne Maginot-Siegfried.

Ici, la situation n'évolue pas. Après avoir évacué une grande partie des services, la Wehrmacht reste sur ses positions, bien qu'on dise que les soldats, surtout les allogènes, en ont assez; la discipline se maintient et ils continuent d'ailleurs à travailler, faire des trous, poser des mines et du barbelé, comme si ça devait durer dix ans. On voit très peu de troupes en ville, mais les positions de batterie et les cantonnements à l'extérieur sont occupés et tous les camions réquisitionnés restent à leur disposition pour les transporter rapidement où il faut. Le maquis n'agit guère; après avoir occupé les villages, il ne bouge plus et n'a rien tenté de sérieux sur Nice. Quelques bandes sont venues enlever des camions, une a fait une sortie sur la maison médicale de Saint Barthélémy, que les Allemands ont évacuée à la suite de cela.

Mercredi 23 août. Excellentes nouvelles hier soir. L'avance au nord et au sud continue rapidement : Deauville, les abords de Paris, Melun, Pithiviers, Nevers, Angoulême. Toute la France va être libérée avant Nice ! Il n'y a toujours absolument rien ici pour nous; aucune tentative, ni vers Grasse, ni vers Cannes; c'est bien regrettable car si les Allemands ne s'effondrent pas et ne demandent pas l'armistice général, ils peuvent résister ici et se renforcer en faisant venir du monde d'Autriche et d'Italie, en admettant qu'il leur reste des réserves. Tandis que sous l'effet de la surprise du débarquement du 15 août, ils étaient certainement prêts à repasser les Alpes sans grande résistance. Nous resterons donc coupés du reste de la France, alors que le courrier et les chemins de fer auront peut-être déjà repris entre St Raphaël et Lyon, si cette allure d'avance foudroyante se maintient dans la vallée du Rhône.

La radio a annoncé à 13h30 la libération de Paris par le soulèvement de la ville. On n'a pas encore de détails. C'est un événement sensationnel et c'est fort heureux qu'il se soit produit ainsi spontanément, et non pas à la suite de l'entrée des Alliés auxquels on ouvre ainsi le chemin, au contraire. Quelle délivrance ce doit être, après ces 50 mois de captivité ! Et on a dû mettre la main sur nombre d'Allemands et de services qui attendaient l'arrivée des Alliés pour filer. Comme on voudrait savoir et entendre les échos de la joie des Parisiens ! Il a dû y avoir quelque casse, évidemment, mais ça a dû être rapide tout de même. Paris ! Paris libéré ! A quand notre tour ?

Et on parle aussi de Grenoble, de Berre, Avignon, et d'un débarquement dans la région de Bordeaux (?). Et nouvelle offensive des Russes en Bessarabie, prise de Jussy. Mais qu'est-ce qu'ils attendent pour être convaincus qu'ils sont foutus ? En attendant, il y a encore pas mal d'allées et venues de camions militaires, la plupart camouflés de branches, quelques-uns comme pour une bataille de fleurs ! Il y a aussi une floraison de camions et camionnettes peinturlurées d'énormes croix rouges et qui transportent de tout; c'est manifestement une violation éhontée de la protection internationale de cet emblème, réservé aux voitures sanitaires.

Cet après-midi, deux courtes alertes, vaines. Vers 19h 05, bombardement d'avions en piqué sur le port, deux vagues de 6 ou 7 avions. Bombes aussi sur la Grande Corniche. J'ai très bien suivi les évolutions des avions, du balcon de chez nous. Il y a eu aussi pas mal de mitraillages et on prétend avoir reçu des balles jusqu'à l'avenue de la Victoire. Il y a un pâté de maisons démoli près de la place Saluzzo, une maison Boulevard Carnot, et la Cérès atteinte en plein et incendiée. Adieu nos maigres provisions de blé, farine ou pâtes ! L'incendie a été considérable et a duré une grande partie de la nuit.

Publicité
Publicité
Commentaires
Mémoires d'un artilleur
Publicité
Derniers commentaires
Publicité