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Mémoires d'un artilleur
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15 septembre 2017

Claude Monbeig. Projets techniques

Le passage par l'E.M.S.T.T. m'ayant permis de combler le retard que les années de guerre[1] avaient apporté à mes études supérieures, je me trouvai enfin, à 32 ans, lesté d'un beau diplôme d'ingénieur E.S.E. Après quelques années supplémentaires sous l'uniforme, notamment comme responsable des installations de transmissions des Q.G. de guerre interalliés (SHAPE[2] et Centre-Europe), je décidai de tenter ma chance dans le civil et entrai, au début de 1932, à la C.I.T. (Compagnie Industrielle des Télécommunications), filiale de la CGE, tradition familiale oblige !

Au fil des 26 années suivantes, j'ai vécu les multiples réorganisations, fusions, regroupements, créations, etc., qui ont marqué l'informatique française et, après avoir été C.I.T., je suis successivement devenu C.A.E., C.I.I., CIMSA ; CIMSA-SINTRA et THOMSON-CSF/DTC, exerçant de multiples métiers sous ces diverses casquettes, au cours d'une carrière civile qui dut beaucoup à mes acquis militaires.

 Installation et à la mise en œuvre des systèmes de traitement de l'information (le mot "informatique" ne s'étant pas encore imposé) des premières centrales nucléaires EDF. Le travail technique se doublait d'une action psychologique au moins aussi importante car les utilisateurs, en 1962, n'étaient pas encore préparés à ce mode d'exploitation qui faisait largement appel à l'automatisme et avaient donc du mal à se fier à ces nouveaux outils.

La confiance commença à venir le jour où, par un heureux hasard, je pus montrer à un chef de quart à Chinon-EDF2 que le système de traitement centralisé des signalisations était en train de sauver un palier d'alternateur de 125 MW dont la température s'élevait dangereusement sans qu'il l'eût remarqué.

 Première tranche de l'usine de séparation isotopique de Pierrelatte. Certains réglages se faisaient dans la salle des compresseurs où il faisait 60°. Autant dire qu'on n'y restait pas longtemps.

 Au Sahara, installation et mise en œuvre des télécommandes et télémesures pour les tirs nucléaires souterrains.

Une anecdote à ce sujet. La chambre d'explosion, ou Point Zéro, était située à l'extrémité d'un long tunnel horizontal foré dans le rocher de la montagne, auquel sa forme faisait donner le nom de limaçon ; pour le tir, l'orifice du tunnel était obturé par un épais et solide bouchon. Lors de l'un des tirs, l'explosion fut plus forte que prévu et le rocher moins solide qu'on ne croyait, et un jet radioactif aspergea généreusement les hautes personnalités présentes, pourtant assez éloignées. Il fallut donc rapidement les décontaminer et pour cela, le jet d'eau précédé de l'abandon total des vêtements était et demeure la seule méthode efficace. Le Ministre des Armées, ancien légionnaire, trouva la chose plaisante et ne fit aucune difficulté pour imiter Adam mais un certain nombre de civils de son entourage s'offusquèrent et grognèrent quelque peu[3].

 J'avais dû, bien sûr, commencer par me familiariser avec des matériels et des systèmes que je ne connaissais pas mais mes nouvelles activités, quoique civiles, ne me changeaient pas beaucoup de ce que j'avais fait dans le domaine militaire : organisation de chantiers, mise en œuvre de matériels de haute technologie, personnel technicien sachant travailler dans des conditions difficiles et habitué aux déplacements fréquents, mais devant être commandé avec un certain doigté. Et aussi être toujours disponible et ne pas hésiter à payer de sa personne, par exemple en passant des nuits blanches pour mettre en service, dans les délais requis, un matériel récalcitrant.

Effectué principalement sur le site, ce travail avait l'avantage de me mettre au contact du client. En tant que militaire, j'avais été le client, exigeant, et j'étais maintenant le fournisseur. Beau changement de mentalité !



[1] Y compris les années passées en Indochine.

[2] Supreme Headquarters Allied Powers Europe : centre de commandement militaire des forces de l'OTAN en Europe.

[3] Ces tirs eurent lieu au Hoggar entre 1961 et 1966. La galerie "en colimaçon" devait, au moment de l'explosion, s'effondrer et se colmater. Elle était renforcée par un bouchon de béton et quatre portes en acier recouvertes de mousse de polyuréthane. Le 7 novembre 1961, lors du tir "Béryl", l'effondrement ne fut pas assez rapide, un nuage radioactif s'échappa et les deux ministres présents, Pierre Mesmer (qui avait appartenu à la Légion Etrangère), Ministre des Armées, et Gaston Palewski, Ministre de la Recherche, furent "contaminés". Mesmer mourut à 91 ans et Palewski à 84 ans. Essais nucléaires

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