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Mémoires d'un artilleur
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5 février 2015

D'un grand-père à un arrière-grand-père...

Lettre de Georges MONBEIG (1875-1950 environ), à sa femme Angèle. Mobilisé le 4 août 1914 dans le 11e Régiment d'Infanterie Territoriale avec le grade de sergent, rattaché à la 81e D.I.T. (Général Marcot, puis Général Trumelet-Fabert) ; passé le 8 septembre à la 2e section de C.O.A. (Commis et Ouvriers militaires d'Administration), rattachée au 2e Corps d'Armée (subordonné à la 5e Armée, Amiens), sous les ordres du Général Gérard.

Le 11e R.I.T. a pris part à la Bataille de Picardie puis à la Bataille d'Artois (26 sept. / 21 oct. 1914).

 

Foncquevillers, le 30 septembre 1914 (Pas de Calais).

Ma chère Angèle, cette lettre sera la suite de celle que je t'adressai dimanche d'Anthée (Somme) et que j'avais rédigée quelques jours à l'avance à Boisleux le Mont.

Depuis cet après-midi de Boisleux, les événements se sont précipités et notre division s'est trouvée mêlée à cette fameuse bataille de l'Aisne, dont le dénouement sera peut-être connu ce soir.

Il était environ cinq heures quand nous reçûmes l'ordre de quitter Boisleux pour nous porter vers Ervillers [6,5km]. La promenade fut bientôt agrémentée de coups de canon tonnant au loin, devant nous. La nuit venant, une lueur nous apparut, comme une lueur d'incendie, loin vers notre droite, lueur qui grandit, grandit, à ne plus laisser de doute : un village devait brûler. Et puis ce furent vers la gauche des éclairs rougeâtres. Depuis, j'ai su que ces éclairs sont ceux que produisent les obus en éclatant. Mais nous supposions que cela se passait loin, à 30 ou 40 km de nous.

Ervillers ! Halte ! Une auto : "Attendre des ordres !". On se rue chez les deux uniques débitants : rien à manger ! MM. Les Officiers de l'Intendance avaient été prévoyants. Une table leur est installée, leur cuisinier apporte un rôti. Mais ils sont gênés par la présence des soldats qui emplissent la salle, buvant des chopes ou des "bistouilles" (café et eau de vie). L'un d'eux propose de faire sortir tout le monde, mais n'est pas écouté. Heureusement !

Il est sept heures et demie quand nous repartons pour Vaulx-Vraucourt, [6 km] où nous devons cantonner. L'incendie, qui avait disparu dans un mouvement de terrain, se révèle tout à coup à quelques kilomètres : on distingue des maisons, des charpentes à nu. Toutes les suppositions volent de bouche en bouche. "Un accident ?... Une vengeance prussienne ?... Un obus ?..." La nuit noire nous permet cependant de distinguer derrière une haie, en bordure du chemin, toute une batterie d'artillerie au repos. Presque aussitôt, nous sommes dans une rue étroite, encombrée de convois. Je saute de voiture et me trouve dans une foule de soldats, artilleurs et fantassins, grouillant en tous sens entre les chevaux et les voitures, quasi à tâtons ! Je m'adresse à un artilleur du 29e. "Où sommes-nous ? – A Vaulx-Vraucourt ! – Ah ! nous sommes arrivés, mais pourquoi tant de cohue ? Quel est ce convoi ? – Mais… on s'est battu tantôt, ici !" Je me sens inquiet car il n'est pas dans la règle que les convois viennent si près des lignes de feu. "Il y a des blessés ? – Oui, tenez, venez avec moi, vous allez les voir". Dame, le cœur me serre un peu, c'est bien la guerre, cette fois. Adieu les simples promenades.

Vaulx Vraucourt Brasserie

Une grande maison se dresse au bout du chemin, une fabrique de bière. Nous filons par un sentier noir bordé de buissons. Mon guide m'arrête : "Tenez !" Et par un soupirail à demi obstrué par un paillasson, j'aperçois, face à moi, une face exsangue noyée dans des bandeaux tout rouges de sang. A droite, à gauche, d'autres apparaissent, semblent dormir. Ils sont là, les blessés, dans une sorte de grande salle basse. Ils sont enfouis dans une épaisse couche de paille, rangés de chaque côté de la salle. Par ci, par là, un bras apparaît, une tête. Pas un mouvement. Au-dessous de moi, l'un d'eux, que je ne vois pas, du reste, pousse de temps à autre une plainte lamentable. Dans l'allée centrale, un infirmier va, vient, s'empresse. Je reste peu, je suis vivement impressionné. Et davantage encore quand j'apprends que la plupart appartiennent au 11e. Il y en a aussi du 12e.

Et on me raconte ce qui s'est passé. Les Allemands occupaient Vaulx. On tenta de les en déloger mais leur artillerie couvrit d'obus le 11e et le 12e qui s'avançaient sur leurs positions. Heureusement les obus allemands sont mal confectionnés et éclatent presque toujours trop haut, parfois n'éclatent pas. C'est ainsi que, de midi ½ à 5h ½, ils ne réussirent qu'à faire une quinzaine de morts et 150 blessés. La plupart sont du 11e et appartiennent à la 3e et à la 6e Compagnie. La 8e n'a rien eu. C'était le baptême du feu pour mon régiment. Le Colonel, comme les généraux, ne bronchèrent pas sous les obus. Mais depuis, il paraît que certains officiers ont eu la colique et cherchent à se faire évacuer. Le combat se terminé quand notre artillerie eut démonté presque toutes les pièces allemandes. Les Allemands, alors, abandonnèrent Vaulx et se retirèrent en brûlant le village de Beugny : c'est cet incendie que nous avions aperçu sur notre route. (Parmi les blessés, le cycliste Chemin, le quincaillier patron de notre ancien voisin David, à Beauvais).

Il y a, me dit-on, à la Mairie, des morts et aussi des prisonniers. Mais j'ai autre chose à faire que de pousser jusque-là, à 1500 mètres ! J'arrive à savoir, me faufilant entre les chevaux et les hommes, arrêté à tout instant, que nous devons loger à la brasserie ! Mais la brasserie, c'est l'hôpital ! Ça ne me dit rien. Je vais chercher autre chose. Tandis que je reviens vers mes voitures, je rencontre des brancardiers. Pleins d'adresse et d'habileté, ils transportent des blessés auxquels on a fait un pansement sommaire sur le champ de bataille. Tout le monde s'écarte. On cherche à voir les figures. Qui sait ? On peut reconnaître un camarade, lui rendre un service. Je ne découvre aucun de mes compagnons.

Précédé d'un porte-lanterne, je finis par découvrir une immense cour de ferme déjà fort encombrée de chevaux et d'autos. J'y range mes voitures. Les chevaux coucheront dehors. Pour nous, une grande et de la paille. Une buanderie servira de cuisine car s'il est tard, cela n'empêche pas les hommes de réclamer leur pitance. Le cuisinier se couchera à une heure du matin. Pour moi, je me passerai de souper, les blessés me reviennent trop en tête. Et puis il faut bien que j'y pense aussi : ils sont du 11e ! Je dois peut-être une fière chandelle à Lenglen [personnage non identifié]!

J'assiste encore à l'arrivée de voitures réquisitionnées pour le transport des blessés. Malgré tout, on veut voir... Oh ! on ne saurait trop louer la délicatesse, parfois la science mises par les brancardiers à soulever ces malheureux, à les placer sur les civières. La plupart sont touchés aux bras et aux jambes, quelques-uns à la tête. Il y a, paraît-il, des blessures épouvantables. C'est à s'en douter.

Le médecin principal passe. C'est le docteur Peugniez, un chirurgien recherché d'Amiens. Il va se reposer tandis qu'un autre prend sa place. Il est minuit. Je vais en faire autant, Léonard a préparé notre lit dans la paille. Je dormis comme une masse, à tel point que je ne sentis point un autre camarade venir se coller contre moi.

Mais à 3h ½, on nous réveillait ! Oh ! c'était à prévoir. Car un Etat-Major ne s'établit pas à deux pas de l'ennemi. Nous ne sommes donc point surpris. On a recommandé d'éviter le bruit, de cacher les lumières. Il faut éviter tout ce qui pourrait donner l'éveil à un ennemi toujours prêt à une contre-attaque. Comme le convoi s'ébranle, mon lieutenant et un autre, un Nantais, ami de M. Cadot, arrivent et me demandent si j'ai de la place. On s'arrange. Il leur en arrive une bien bonne. D'ordinaire, ces messieurs vont en auto avec l'Intendant. Mais pas d'Intendant ! Pfffttt !... M. le baron de Trétaigne a fui. A deux heures du matin, ne se sentant pas en sûreté, ne dormant pas, il s'est embarqué, laissant ses coadjuteurs en plan ! On parle encore aujourd'hui de la fuite de Vaulx. Car "quand on a du sang de noble dans les veines, la guerre ne fait pas peur !", disait la veille le brave Intendant à son cycliste !

Notre convoi déroule sa chenille interminable sur les routes de la veille. Nous revoilà à Ervillers. Bientôt, nous arrivons à Bucquoy [à 8,5 km d'Ervillers]. C'est dimanche mais chez nous, on ne s'en aperçoit guère. Tous les jours se ressemblent.

Cependant celui-ci va se compliquer un peu pour moi. Nous passons la matinée sur la route, à l'entrée du pays. Cela ne m'empêche pas de distribuer, comme à l'ordinaire, pain, sucre, café, viande.

L'après-midi, je m'en vais faire un tour en ville (Bucquoy a 2000 habitants). Un perruquier ! Je vais me faire raser. Car en dépit de mon désir de laisser pousser ma barbe, je n'ai pu m'y résoudre. C'est sale, me semble-t-il. J'attends bien une demi-heure mon tour et, comme il arrive, la porte s'ouvre : "Monbeig !" C'est mon lieutenant. Au diable ! Que me veut-il ? "Turlot (c'est le caporal) ne rentre pas. Il faut que vous alliez chercher les vivres. C'est à Marieux [à 19 km]. Vous n'avez que le temps !"

Adieu Figaro ! Je fais atteler et en route !

20 km à faire ! Un coup d'œil sur la carte et j'arrange mon voyage. Nous suivrons la vallée de l'Authie. J'en connaissais déjà l'embouchure. J'en connais maintenant la source. Et c'est un bien joli coin, plein de verdure et de grands arbres. Et j'ai cette chance : un coucher de soleil dans ce vallon. Je suis bien loin de penser à la guerre. Et c'est bien plus votre souvenir à tous trois qui me revient, avec la perspective de refaire -   pourquoi pas ? – cette randonnée à bicyclette.

Nous passons dans des chemins de terre (Robert connait ma méthode) et les gens viennent voir ces soldats phénomènes. Nous traversons de tout petits villages et on nous offre une chope ! une bistouille ! du pain de ménage et du porc rôti ! La première fois depuis deux mois !

Bizarre voyage, où l'on change plusieurs fois de département. Bucquoy (Pas de Calais), Bayencourt (Somme), Authie et Marieux (Pas de Calais). Marieux est à 10 km de Doullens vers l'est.

Il est six heures quand nous y arrivons pour enlever au galop nos provisions d'avoine, pain, sucre, café, etc.

Mais pour revenir, il faut former un convoi en cadré de gendarmes. Je n'aime pas cela. Enfin ici, on obéit. Clair de lune et coups de canon, voilà les épices du voyage. 12 km et nous arrivons à Bayencourt, là même où on nous avait offert de quoi dîner. Mais le canon seul continue, la lune s'est voilée. Avec beaucoup de peine, je découvre un gîte dans la paille…

Il est cinq heures ½ quand je me réveille et rejoins le "parc aux voitures". Toujours le canon. Je devrais attendre là des ordres. Mais rester sur place n'est pas mon fait. Avec l'autorisation du capitaine de gendarmerie qui dirige le convoi, je me mets en route pour Bucquoy. Je passe par Souastre, où un régiment de dragons me barre la route. Il se dirige vers Arras… nous nous arrêtons devant un "débitant", Alcindar X… J'ai retenu ce bizarre prénom. Il n'y a là qu'une vielle femme : "Auriez-vous des œufs à nous faire cuire ? – Dame ! C'est qu'il y a eu bien des soldats hier. P'têt' bien que j'en retrouverai encore deux ! – Bon, nous en mangerons chacun un, à la coque !" Bref, tandis que je me lave à grande eau dans la cour, la bonne femme découvre quatre œufs ! Et je les vois, soigneusement enveloppés dans du papier. Elle les conservait pour l'hiver. Ce trait se révèlera une des difficultés de notre alimentation. Un autre, et qui te montrera combien ces gens sont excusables. A la fin du repas, je demande combien je dois : "Ma foi, si vous voulez me laisser votre pain, je ne vous ferai pas payer les œufs !" On manque en effet de pain dans les campagnes, de beurre, de chocolat, d'allumettes aussi.

"Hue Noirot !"… et nous arrivons à Foncquevillers. Mon intention était de m'informer auprès des bouchers (groupe  Lenglen) si mon lieutenant avait pris la viande, en mon absence. "Oui, mais il s'agit bien d'autre chose ! Les Prussiens bombardent Bucquoy ! Venez vite manger un morceau avec nous, et nous partons !" Repas vite enlevé. Mon lieutenant arrive comme nous sortons. Il n'a pas mangé et ne peut que rire de me trouver là, et plus avancé que lui. Il paraît que le Quartier Général a ordre de se diriger vars La Cauchie [à 8 km de Fonquevillers]. Nous partons. Bienvillers aux Bois, Pommier (avec ses haies vives, moitié arbres, moitié haies), La Cauchie ! Encore un village perdu : purin, fumier, maisons en torchis, quelques-unes en brique cependant. Nous y passons seulement l'après-midi et j'en profite pour requérir de l'encre rouge chez l'Instituteur et bavarder avec lui en buvant un café.

Le soir vient. Nous retournons à Bucquoy.

Nos gens y ont déjà passé une nuit. Ils retournent dans la même maison : chez une vieille fille, pas très propre d'elle-même mais spacieusement logée. Léonard et moi coucherons dans un lit. Un tour en ville. A la mairie, un obus a fait tomber le crépi du mur. Chez un notaire, un autre a traversé le toit et les planchers. Ni tué, ni blessé.

Nous dormons à demi, crainte d'alerte.

Départ matinal le mardi. En route pour Foncquevillers. Le soir nous reviendrons à Bucquoy. Et ainsi le mercredi, le jeudi, le vendredi… Mais le samedi, nous irons plus loin que Foncquevillers.

Et chaque jour, depuis ce moment (je reprends cette lettre le 7 octobre), ce sera le même bruit sourd du canon du matin au soir et du soir au matin. Et ce seront les questions répétées : que fait-on ? Que se passe-t-il ? Sont-ce les Français ou les Allemands qui tirent ?

Petit à petit, cependant, nous comprendrons ce qui se passe. Là, entre Bapaume et la route d'Amiens à Arras, on a échelonné les divisions territoriales, 81e, 82e, 84e, 88e, sous le commandement du Général Brugère. Et ces divisions ont une mission : tenir les Allemands en échec, pour permettre aux troupes de l'Est d'arriver. On avait demandé aux territoriaux, paraît-il, de tenir trois jours. Ils en ont tenu onze ! Et les Allemands, pendant ce temps, n'ont pu avancer que de douze kilomètres !

Oh ! je les ai vus tous les jours, mas camarades, et ils n'ont rien de pimpant. Barbe longue, mains et figure terreuses, vêtements souillés, mines fatiguées d'hommes qui mangent mal, dorment sur la terre des champs ou se tiennent éveillés dans les tranchées pour tenir l'ennemi en échec. Quelques-uns ont lâché pied. Je ne sais si on peut avoir le courage de les blâmer. Certains régiments ont subi des pertes sérieuses. Je viens de savoir que ma compagnie, après ces onze jours, n'a eu que sept tués ou blessés, dont un lieutenant, M. Rieffels, tué dimanche. Dans ma section, pas un homme n'a été touché.

Aujourd'hui, les renforts sont à peu près arrivés. On dit que les Allemands reculent.

Comme renforts, que n'ai-je vu défiler ! Cavalerie, artillerie ont coulé le long des routes pendant des journées entières. De toutes tailles, de toutes couleurs… C'est alors que j'envoyai une carte à Pierrot en lui disant combien il serait heureux ! Hélas, tout cela est, en ce moment, chair à canon ! Les vitres en tremblent et, bien que nous y soyons habitués, nous autres, vieux, qui réfléchissons, nous ne pouvons nous empêcher, à tout moment, d'échanger des réflexions attristées.

On m'a raconté ceci, de M. Balsat : il était derrière les tranchées, debout, avec son drapeau, au milieu des obus. On lui criait de rentrer dans les tranchées, de s'abriter. Il ne voulut rien entendre, prétendant qu'un porte-drapeau doit rester à son poste. Deux éclats d'obus, un dans l'épaule, un dans la jambe, le firent tomber. Alors, le 11e se repliait. Il appela un soldat, lui confia le drapeau puis se traîna sur le bord d'un chemin, où les Allemands le prirent. C'est bien Français.

Cet autre fait encore : un capitaine de la 88e division s'avance en reconnaissance avec quelques hommes. Un officier étranger apparaît, nu tête, criant : "English ! France ! Ami !..." Défiant néanmoins, le capitaine s'avance vers le "camarade". "Vous mon prisonnier !" lui dit l'Allemand (c'en était un mais qui avait pris la précaution d'enlever son casque). "Vous oubliez", lui répond le Français, "qu'un officier français ne se rend jamais prisonnier !" Et il lui brûle la cervelle. Mais des soldats allemands embusqués apparaissent et tuent le capitaine. On nous a parlé assez des Romains et du Chevalier d'Assas ! Rien n'est changé dans notre pays.

C'est pourquoi nous pouvons avoir confiance.

Et nous autres, nous l'avons. Nous voyons très bien, dans cette terrible bataille de l'Aisne dont Bucquoy semble ces jours-ci avoir été le point central, nous voyons le Général de Castelnau, qui commande notre formidable armée, enfermer les Allemands entre les Ardennes et la Somme. Nous commençons à croire qu'ils ne pourront même pas fuir par la Belgique.

Autour de Bucquoy, l'action s'est limitée à la défense de ce dernier bourg. Mais les Allemands, après avoir réussi à conserver leurs positions dominantes, Courcelles-le-Comte sur la gauche et Achiet le Grand sur la droite, nous ont contraints à nous replier. C'est à peu près comme si nous avions été aux Mesnils avec les Allemands à Montfort et à Neauphle.

Nous en sommes partis samedi matin pour nous installer dans une pâture, en arrière du village des Essarts-sous-Bucquoy. Le soir, après avoir, comme chaque jour, entendu la canonnade à outrance, nous arrivions pour cantonner à Hannescamps à 8h du soir. Toujours la même cérémonie : recherche d'une cour pour les voitures, d'une cuisine, d'écuries et de greniers-lits…

Nous soupons, ma foi, avec entrain. Le Général Marcot, commandant notre division, passe, comme nous finissons, dans la vaste cuisine-salle à manger de la ferme où nous avons élu domicile. "Nous vous envahissons, Madame", dit-il à la fermière dont le mari, aussi, est au feu ; il va dormir dans la chambre à côté, ce devait être sa dernière nuit sur terre !

Le lendemain, de bonne heure, après une nuit agitée par la crainte d'une surprise, nous sommes debout. Déjà on se bat. Je vais chercher la viande non loin de là, à St Amand. Mais les bouchers sont partis pour la livrer à Gonecourt. Je retourne vers cette localité, voisine de Bucquoy. A mi-chemin, rencontre des bouchers qui reviennent : "On nous a dit que les Allemands venaient, nous n'allons pas plus loin !"

Moi non plus ! Ma viande servie, et combien vite, sans pesée, je regagne Hannescamps…
Mais je dois m'arrêter si je veux que cette lettre, écrite en plusieurs fois, parte enfin. Depuis plus de deux heures, plus un bruit, plus un coup de canon ! Que signifie ce silence ?

Bons gros baisers à tous trois, et de la sagesse, en attendant la rentrée. Embrasse bien fort Grand-père et Grand'mère,

                               G. Monbeig

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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