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Mémoires d'un artilleur
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18 décembre 2014

Premier cours de danse à l'X, 1911.

29 octobre 1911.

Il faut que je vous raconte le 1er amphi Fisher. Monsieur Fisher est le professeur de danse à l'Ecole Polytechnique, il exerce ce métier depuis 44 ans. Il vient toujours en habit, avec son violon ; il est complètement rasé ; imaginez-vous un bourgeois du siècle de Louis XIV auquel il ne manquerait que la perruque ! Il est très amusant. La première séance est invariablement l'occasion d'un grand chahut auquel il est heureux, d'ailleurs, d'assister. Tout ce qu'il y a de disponible comme X, anciens ou conscrits, se réunit au binet 62[1] ; on apporte les deux timbales et les cymbales de l'orchestre et tout le monde s'assied par terre en laissant un petit rond au milieu pour M. Fischer. Cerlui-ci ne prononce jamais plus de 10 paroles à la fois car il est interrompu par le chœur des X qui scande : "Un chic au si sympathique Monsieur Fischer ! " ou : "Laissez parler le si sympathique…". Dès qu'il émet une phrase, c'est alors l'interrogation générale : "Mais pourquoi donc, Monsieur Fischer ?" Il répond toujours très gracieusement et à chaque nouvelle idée, on repique "Mais pourquoi donc, Monsieur Fischer ?". Monsieur Fischer essaye alors d'expliquer le pas de valse mais dès qu'il bouge un pied, les anciens assis par terre au premier rang dessinent à la craie le contour des pieds de M. Fischer avec des flèches indiquant les changements ; sitôt que celui-ci bouge, on s'écrie : "Mais ça change tout, Monsieur Fischer !" – "Mais non, messieurs", dit-il de sa petite voix, "ça ne change rien parce que je recommence en partant toujours du pied droit". – "Mais pourquoi donc, Monsieur Fischer ?" reprend le chœur, etc, etc.

Le tout, n'est-ce pas, avec accompagnement de cymbales et grosse caisse. Puis on essaye une danse et c'est la bousculade énorme où tout le monde s'écrase et où tout le monde hurle l'air de la valse, invariablement le même !

Entre temps, des anciens allumaient entre les rangs pressés des conscrits de grands morceaux de journaux et l'on entonnait aussitôt "le Pompier" ! Monsieur Fischer, qui voit cela pour la 44e fois, y est habitué et se fait beaucoup de bon sang !



[1] En fait dans l'amphi-danse : "… le père Fischer donne la leçon de danse. Le gros homme, à la mine réjouie, à la démarche sautillante, debout, sur la pointe des pieds, exécute la ritournelle avec un violon, en indiquant le pas. Les élèves qui doivent faire la dame ôtent leur berry, le retournent, et le mettent à l'envers ; ils se coiffent de leurs képis, la visière sur le cou,  ils font des mines et prennent des poses.

Dans une affreuse poussière jaune, les groupes s'animent, tournent, se culbutent, des cavaliers seuls battent des entrechats. "Allons, messieurs, dit mélodieusement le père Fischer, si vous voulez bien, pied droit, pied gauche et assemblez; droit qui recule, gauche qui avance (violon): 1, 2, 3, 4. Messieurs, mon quatrième temps, je vous recommande. Mesdemoiselles, veuillez mettre vos couronnes de roses, c'est ainsi que nous appelons ici les képis."

Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k205446n

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