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Mémoires d'un artilleur
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26 avril 2010

S.T.O. au travail.

Lundi 25 juillet, après une bonne nuit, départ à 7h 1/2 pour l'usine "Palten Stahlindustrie" avec un interprète. On est allé dans un hall où il y avait une cinquantaine de machines-outils, très modernes, des tours pour la plupart, entièrement automatiques. En quelques minutes, un obus est rectifié en n'ayant touché qu'une seule manivelle. Nous avons regardé toutes ces machines, ainsi que la peinture et l'empaquetage des obus. Puis on a été reçu dans un bureau où un ingénieur a regardé nos contrats et nous a classés tant bien que mal. Au sortir de là, on est allé passer une visite médicale; ça a duré de 9h 1/4 à midi 1/4 parce que le docteur avait une grosse clientèle qu'il faisait passer tout le temps avant nous. Je suis passé vers midi 10; ça n'a pas duré deux minutes; comme j'étais étudiant jusqu'à présent, on m'a classé dans la catégorie des moyens. J'ai filé ensuite au camp déjeuner et à 1h 1/2, on repartait pour l'usine pour se faire embaucher. Ça a été encore très long. Il y avait deux papiers à signer, une carte à taper à la machine : un Ausweiss pour entrer et sortir de l'usine. Une fois faits ces papiers (on ne savait toujours pas ce qu'on allait faire comme travail), je suis allé avec un autre type de Nice et un ex-prisonnier (qui est là depuis 3 ans par conséquent) à l'atelier dit outillage. On a vu l'ingénieur, qui a casé l'autre dans son métier, ajusteur, et qui m'a dit que j'apprendrais à fraiser. Dans le bureau à côté, des dactylos ont rempli des feuilles avec nous. Puis on est allé voir notre lieu de travail. Il s'agit là encore de machines toutes neuves; on travaille de petits objets en général, l'outillage notamment? Cet atelier a été construit il y a deux ans environ par les prisonniers français. Chaque machine est munie de son moteur spécial, ce qui supprime les grands arbres de transmission avec les courroies, qui donnent un si vilain aspect à certains ateliers. Comme c'est moderne, il y a de très grandes fenêtres qui donnent beaucoup de jour. En plus, il y a une lampe articulée à chaque machine. C'est clair, net et propre. Il y a toutes les sortes de machines, à commencer naturellement par les fraiseuses, perceuses, meules, affûteuses, rectifieuses, tours, perceuses, aléseuses, etc, etc. Il y a plusieurs machines de chaque espèce, en tout une soixantaine au moins.

On m'a indiqué alors mes heures de travail : de 4h 40 à 14h, avec 20 minutes d'arrêt de 9h à 9h 20 pour casser la croûte. 9 heures d'affilée, c'est long ! Le salaire est, paraît-il, de 74 pfennigs l'heure (3,14€). Ça n'est pas grand' chose; c'est loin de tout ce que l'on avait dit au bureau de placement Allemand; mais quand on vit en camp (et uniquement dans ce cas), on a largement de quoi vivre.

Mardi matin, donc, à 4h, réveil. Je m'habille en vitesse, je fais un brin de toilette et je monte à la cantine chercher mon café au lait et mes trois petits pains. Je descends manger dans la 'carrée", au milieu de tous les types endormis, car il y fait plus chaud qu'à la cantine ! Je suis donc parti au travail, avec des types sortant d'autres baraques du camp. Je suis allé à la fraiseuse horizontale qu'on m'avait indiquée la veille. Le contremaître m'a dit d'attendre l'arrivée de l'ingénieur, soit 8h 1/4, pour pouvoir me donner du travail. Pendant ce temps-là, j'ai erré de machine en machine, pour en voir le fonctionnement et causer un peu avec les types. Les deux tiers, sinon les trois quarts, sont français. A 8h 1/4, donc, je suis allé avec le contremaître au bureau de l'ingénieur : comme je n'ai aucun habit de travail, il m'a donné un superbe tablier en caoutchouc et m'a dit d'aller avec un autre type fraiser. Je l'ai vaguement aidé. J'ai cherché le fonctionnement de tous les boutons, j'ai tripoté tous les écrous, toutes les manivelles. A 9h, casse-croûte dehors, au soleil. Puis de nouveau, pendant 4h 40, on reste debout à côté de la machine, à la regarder tourner. C'est assez fatigant pour les jambes.

Ce matin, mercredi, même chose; mais étant arrivé à l'heure (et le type qui travaille avec moi en retard), j'ai commencé à organiser le travail seul. Il fallait fraiser des têtes de boulons. On en a fait trois, et on a tout démonté pour faire autre chose. Il s'agissait de faire une rainure dans des, plaques de fonte, rainure faite avec une extrême précision. Je ne croyais pas qu'on pouvait, par exemple, élargir une rainure de 1/100e de millimètre. Il fallait faire une rainure de 16 mm et de 5 mm de profondeur. Comme il y a neuf pièces semblables à faire, on a placé une pièce bien fixée sur laquelle on appuie toutes les pièces à fraiser pour qu'elles soient immédiatement orientées. On a fait trois de ces plaques dans notre matinée parce que quelque chose n'allait pas à un moment, il a fallu modifier l'installation.

La semaine prochaine, je ne travaille plus aux mêmes heures mais de 2h de l'après-midi à 7h 1/2 et de 8h 1/2 à minuit. Le contremaître m'a fait marquer des pièces, c'est-à-dire qu'avec un pointeau et un marteau, une pointe, un pied à coulisse et une équerre, il fallait que je dessine sur les engrenages auxquels j'ai déjà travaillé des rainures à clavettes, des mortaises. J'ai sué un bon coup là-dessus, ne sachant pas comment m'y prendre et faisant cela avec une précision des plus relatives. Vers 4h, une fois ça fini, j'ai pris mes engrenages pour y faire ces mortaises. On les a faits non avec une mortaiseuse (je ne sais pas s'il y en a) mais avec une fraiseuse horizontale convenablement transformée. J'ai fait ces rainures toute la soirée, le temps du dîner excepté naturellement (de 7h 1/2 à 8h 1/2)

Mardi 17 août. Et je me trouve cette semaine faire partie de l'équipe de nuit. On commence le travail à 19h; ½ heure d'interruption de 0h30 à 1h, fin du travail à 6h.

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